A l’occasion de la #NRF2023 à New York, j’ai pu visiter une cinquantaine de points de vente et une tendance dans l’horlogerie m’a particulièrement marquée.
Une semaine passée à New York, dans le cadre de la NRF 2023, apporte systématiquement son lot d’enseignements au vu de la cinquantaine de points de vente visités. Des tendances avaient été identifiées depuis Paris, cependant, une est clairement apparue sur place et concerne les boutiques horlogères de luxe.
Il y a environ un an, Panerai ouvrait à Genève son nouveau concept flagship au sein duquel se trouve un bar à Campari et expressos au 1er étage. Ce nouveau point d’intérêt, jusqu’alors très peu rencontré dans le milieu, avait, à ce moment-là, retenu l’attention et ouvrait une nouvelle posture dans la relation avec le client, jusqu’ici très codifiée dans l’horlogerie.
Post-covid, il est à noter que de nombreuses boutiques d’horlogerie et joaillerie ont été refaites ou sont encore en rénovation. Au fil du programme de visites, la présence de bars, directement au sein des espaces de vente, préparant cafés et cocktails pour les clients, est apparu comme un fil conducteur parmi les nouveaux concepts. Ainsi, il y en avait chez Rolex Meatpacking, Breitling, Cartier, Bucherer, Hermès, et chez Audemars Piguet. Dès lors, des interrogations ont été soulevées quant à la présence de cet élément fort et impactant, tant du point de vue du design de vente au détail que de l’expérience client. Les boutiques horlogères européennes ont, certes, évolué en proposant parfois des expériences digitales et immersives, cependant leur organisation globale n’a guère changé ; on trouve toujours le buttler qui apporte le café ou la coupe de champagne au client, mais de façon « discrète ».
Quels sont les changements apportés par ce comptoir ?
Dans la relation entre le vendeur et le client, tout change. Le bureau traditionnel impose une distance entre le client et le conseiller de vente. Le bar, au contraire, met les deux protagonistes sur un plan d’égalité puisque, alignés au bord du zinc. Cette nouvelle posture est nettement plus dans l’air du temps, d’autant plus après le covid. Les clients viennent désormais, et plus encore qu’avant, en point de vente pour chercher une relation humaine ; et cette humanité est renforcée par ce fameux comptoir. Aujourd’hui, il s’agit d’un luxe décomplexé, particulièrement aux US, où le client souhaite de la sincérité, de l’humanité et ne pas s’encombrer de conventions qu’il juge inutiles. Dans le luxe, aussi, « venez comme vous êtes », mais buvez un cocktail composé par mixologiste au lieu du fameux soda, « noblesse oblige ». Ce bar, comme n’importe quel autre comptoir au monde, devient en outre un lieu de socialisation entre les clients, lesquels vont échanger entre eux, très probablement au sujet de la maison. Tout cela va renforcer leurs connaissances et leur attachement à celle-ci, pour le coût d’un simple expresso. Car, si ce bar n’est pas ouvert à tous, il n’en demeure pas moins un lieu fréquenté par des clients habitués qui en profitent pour découvrir les nouveautés. Ce comportement est particulièrement perceptible sur les marques horlogères.
Un point d’intérêt au ROI très positif.
L’apport d’un tel changement ne peut être examiné sans évoquer l’aspect ROIste. Jusqu’à présent, le service boissons existait déjà dans ces boutiques, mais il se trouvait être en back office, les frais de personnels sont donc quasi identiques. Il y a certes le mobilier, cependant, son coût unitaire VS l’investissement global de la boutique est plutôt négligeable. Enfin, il y a les consommables, dont le coût peut être supérieur à un service classique, compte tenu des cocktails plus complexes qu’il propose aux clients. En revanche, mis au regard du budget global d’une boutique flagship, ce coût marginal reste limité. Globalement, les coûts supplémentaires liés à ce nouveau point en boutique restent contenus. Côté bénéfices, ceux-ci semblent plus nombreux, et pour cause. Pour les nouvelles générations de clients, qui peuvent être rebutés par une boutique trop formelle, c’est une excellente façon de les toucher et d’engager la relation. Pour les clients récurrents, passer régulièrement sans pression commerciale pour boire un expresso et échanger avec son vendeur, contribue grandement à renforcer cette relation dont le développement coûte si cher aux maisons. Il favorise enfin l’échange entre clients et participe ainsi à créer une forme d’UGC (user generated content). D’un point de vue plus général, il apporte une atmosphère plus joyeuse et humaine, qui est certes, non-quantifiable, mais dont la perception pour les clients et le personnel de vente est bien réelle, selon les témoignages récoltés en magasin. Il ressort donc de cette évaluation un ROI largement positif.
Un bar, procure très probablement moins de « wahou effect » que des dispositifs digitaux dernière génération et encore moins de retombées presse… Cependant, ce serait une erreur de ne pas le considérer avec attention dans les prochaines ouvertures en Europe. Peut-être que le client européen n’ira pas spontanément au comptoir et demander un expresso comme il le ferait aux US.
À minima, il faut sortir le service boissons de leur back-office, proposer un Negroni aux clients : cela apportera de la vie à la boutique et c’est ce que les clients cherchent aujourd’hui, quel que soit le continent.