Cet été, le must have pour une marque de luxe était d’avoir une ou des plages privées arborant fièrement leur logo sur les transats, parasols assortis.
Lancé par Dior il y a cinq saisons, cette « mode » a pris cette année une ampleur jusqu’ici inégalée. Au moins une douzaine de maisons ont lancé des initiatives au bord des plus belles plages ou piscines du globe. Ces événements ont un triple objectif : être un support de communication pour la Maison, accompagner les clients pour resserrer toujours plus la relation et bien entendu, vendre. À titre d’exemple, Dior réalise un score de visibilité exceptionnel. Sur Instagram, les quatre posts les plus likés à ce sujet cumulent à eux seuls près de 750 000 likes – en projetant un taux d’engagement à 10 %, cela donne une exposition à plus de 7,5 millions de personnes… Jacquemus a également réalisé près de 264 000 likes en un seul post pour sa plage à Ramatuelle.
Au cours de la saison, cette « course au transat », a généré tout d’abord de l’intérêt afin de savoir qui d’autre allait se lancer puis une certaine « transat fatigue », au fur et à mesure des ouvertures. À l’heure où les plages rangent les matelas pour l’hiver, il est temps de penser à d’autres activations physiques pour les maisons. Ainsi, nous devons nous poser les bonnes questions dans le but de lancer des initiatives aussi surprenantes, attractives et efficaces que les plages – lesquelles cochent bon nombre de cases qui ont assuré un succès certain.
Pour bâtir la future expérience de marque, il est nécessaire de challenger plusieurs paramètres, intéressons-nous à quatre d’entre eux :
Quelle temporalité client ?
L’été est un temps fort fédérateur, car il touche à la fois les clients de ces lieux, et tous ceux qui ne peuvent pas y aller, mais iront malgré tout dans ces endroits moins prestigieux. Toutefois, pour se singulariser, il semble intéressant d’explorer d’autres moments de l’année qui peuvent coïncider avec des moments de marque ou des points d’accroche avec l’ADN de la maison. La temporalité, c’est aussi la durée. L’intérêt des plages réside dans le fait qu’elles durent environ trois mois. D’autres formes de moments relationnels physiques peuvent avoir une durée comparable, et pas uniquement les expositions.
Quelle place pour le client dans l’expérience ?
La plage immerge le visiteur dans un bain de brand content – principalement visuel – alors que celui-ci fait preuve d’une certaine oisiveté. Néanmoins, elle n’offre en réalité aucune expérience dans laquelle le client est acteur. Très souvent, dans une relation entre un client de luxe et une maison, il y a une certaine passivité de celui-ci ; la Maison lui apportant des bénéfices de natures très diverses. Renforçons les liens et transformons le client en acteur. L’output émotionnel n’en sera que plus fort. Mais pour cela, il faut que les Maisons acceptent qu’il y ait une forme co-création, qu’elles ne pourront maitriser intégralement. Cela change fondamentalement leur mindset. Y sont-elles prêtes ? Toujours est-il qu’elles doivent s’y préparer, car le client est en demande de ce type d’interaction. La marque qui arrivera à faire évoluer ce point, au moins sur un test, aura pris une longueur d’avance.
Quel message à destination de leurs clients ?
Les projets de plage sont porteurs de deux messages principaux : le premier, tirer profit des lieux d’exception au sein desquels elles sont installées et ainsi, montrer qu’elles sont présentes dans les lieux les plus désirables, là où vont leurs clients. Et deuxièmement pour étendre leur territoire de créativité et territoire d’influence. Le terme anglais de « take over » montre parfaitement cette idée. La maison dépasse le cadre du lieu d’hospitalité pour s’exprimer pleinement. Ces deux préceptes peuvent parfaitement s’exprimer au-delà du sable chaud ! Des lieux d’exception « take over-able », il y en a énormément. Je pense notamment à certaines maisons qui utilisent des bâtiments historiques en Chine, mais d’autres sont tout aussi prestigieuses. En soi, le lien avec l’hôtellerie « traditionnelle » fonctionne bien, mais d’autres rapprochements sont tout à fait possibles au sein d’autres secteurs d’activité.
Quelle offre apporter ?
Les nombreuses expériences d’hospitalité que nous avons vu apparaitre durant ces deux dernières années, fonctionnent à merveille et permettent toujours de réaliser un « pas de côté » par rapport à l’offre principale de la Maison. Néanmoins, ouvrir un café est-il toujours aussi différenciant sur le marché ? Plus vraiment… Même si cela ne veut pas dire qu’au sein d’espaces ou en stand alone, l’ouverture de cafés est devenu inintéressant pour animer son parcours client global. Il est temps d’apporter autre chose et de réfléchir à une nouvelle offre, sur des territoires business nouveaux.
Jusqu’ici, nous étions en grande partie sur le partage de « moments » qui ont un impact court et parfois moyen terme. Le client se souvient d’un café quelques mois, d’une après-midi sur un transat plusieurs années, il est temps de passer à des moments qui marquent à vie. Le secteur de l’hospitalité maitrise cela, le luxe se défend en boutique, mais pas encore hors de la boutique retail traditionnelle. Le vrai challenge se trouve ici, trouver une proposition qui va « co-vivre » avec son client, sans que cela soit un produit physique et dans lequel le client sera acteur. La puissance mémorielle et la proximité qui en naitra sera ainsi permanente.
Que ce soit pour décembre à St-Moritz, en février prochain à Bali ou pour les JO de Paris, il sera intéressant de réfléchir à l’ensemble de ces problématiques pour proposer une nouvelle expérience et garder une longueur d’avance sur des propositions de valeurs d’expériences inédites.
Maisons de luxe et expériences ont aujourd’hui tellement fusionné qu’elles ne peuvent plus se passer de ces activations, par conséquent autant prendre une longueur d’avance…
Article publié dans le Journal du Luxe le 21/09